Lors de mes recherches sur mes ancêtres maternels, j’ai découvert une autre enfant abandonnée.
Il s’agit de mon Sosa 121, Clémence Euphémie. Elle a été trouvée le 4 avril 1808 aux portes de l’Hôpital Général de Caen, comme l’atteste son acte de naissance :
Du quatrième jour du mois d’avril l’an mil huit cent huit a une heure du soir
Acte de naissance de Clémence Euphémie nouvellement née…
trouvée exposée le jour d’hier à cinq du soir à la porte de l’hôpital général rue saint louis
Elle était vêtue d’un lange un bonnet et le reste en nécessaire…
Le sexe de l’enfant a été reconnu être féminin
Premier témoin : Michel Lamy employé de l’hospice âgé de cinquante sept ans
demeurant en cette ville rue Notre-Dame
Second témoin : Antoine Jean Binet portier de l’hôpital âgé de soixante treize ans
sur la réquisition à nous faire part par Jacques Thébault commissaire du dépôt des enfants trouvés qui s’en est ressaisi et ont signé après lecture
Constaté suivant la loi, par moi Michel Ducheval
maire par décret de la ville de Caen faisant les fonctions d’officier public de l’état civil
Comme beaucoup de petits malheureux d’alors, Clémence a grandi entre les quatre murs de l’Hospice Saint-Louis.
L’Hospice Saint Louis ou Hôpital Général de Caen est un établissement charitable fondé en 1655 sous Louis XIV et régi par la Congrégation des Servantes de Jésus. Cette communauté religieuse compte 8 sœurs en 1679 et 24 au moment de la suppression de l’ordre.
Sa vocation est d’y recevoir les mendiants et les vagabonds. L’hospice est un exemple d’institution disciplinaire. Cet établissement pratique la politique d’enfermement systématique des pauvres hères. Il accueille les miséreux de la ville ainsi que les petits orphelins après l’âge de 8 ans et les personnes âgés invalides.
En 1698, des ateliers de dentelle y sont créés pour faire travailler les filles et les garçons. Clémence y apprendra son métier.
Le travail est obligatoire pour tous : sa durée est de 8 heures par jour du 15 avril au 15 septembre et de 7 heures du 15 septembre au 15 avril.
Les enfants se lèvent à 5 heures du matin l’été et se couchent à 20 heures l’été et à la dernière heure du jour, les autres saisons.
Les enfants bénéficient d’une promenade le jeudi après-midi.
En matière disciplinaire, une injure proférée à l’encontre du personnel et des Sœurs en particulier est passible d’un séjour de 10 jours maximum au pénitencier.
Difficile d’imaginer un endroit plus sinistre pour ces petits…. et pour les plus grands également.
A la fin du XVIIIe siècle, les mendiants et les vagabonds sont transférés au centre de dépôt de mendicité de Beaulieu (actuel centre pénitentiaire de Caen)
Au début du XIXe siècle, les « Petits Renfermés » (centre d’accueil des orphelins ou des enfants abandonnés à la naissance créé par le prêtre Garnier en 1630) et l’hospice St-Louis deviennent une institution unique. Un décret de 1811 le désigne comme hospice dépositaire pour les enfants abandonnés du département du Calvados. Il abrite également les vieillards caducs.
En 1908, un nouvel hôpital, actuellement Hôpital Clémenceau, est inauguré et l’Hospice St-Louis est transféré dans les locaux de l’ancienne Abbaye aux Dames en 1914. C’est là que Marie et Emilienne sont accueillies en 1919 (voir article : Histoire d’un abandon)
Les anciens locaux servent d’hôpital militaire pendant la Première Guerre Mondiale avant d’être détruits en 1920.
Entre 1972 et 1984, l’Hospice St-Louis est transféré dans le couvent de la Charité et se spécialise dans l’accueil des personnes âgées et change de nom : centre pour personnes âgées, puis résidence « La Charité »
Quant à Clémence, jeune dentellière, elle épouse Jacques Aimé Marc Fouques, boucher, le 6 mars 1828 à Mondeville près de Caen. Elle a 20 ans.
Ils ont six enfants : Hélène Rosalie ° le 23 mai 1824
Jacques Alexandre ° le 29 aout 1825
Alphonse Aimé Adolphe ° le 31 janvier 1828 – Sosa 60
Ces enfants sont légitimés lors de leur mariage
Puis viennent : Jean Baptiste Achille ° 16 novembre 1830
Adèle augustine ° 15 janvier 1833
Adelina Clémence ° 1835
Jacques Aimé décède le 28 mai 1839 à 35 ans.
Clémence épouse en secondes noces, Désiré Henri Verroye, un militaire à la retraite.
Elle disparaît le 2 janvier 1879 à 71 ans.
Sources : Wikipédia.org
Les enfants de Saint-Louis de Paul Dartiguenave
Image : carte postale : L’Abbaye aux Dames et l’Hôtel Dieu – Collection personnelle
Acte : A.D Calvados – N 1808 [2 MI-EC 1582]
On n’imagine pas, quand on entame la généalogie de ses ancêtres, être confrontée à de telles histoires. On ignore la dureté de ces hospices et les conditions dans lesquelles ces enfants ont vécu. Merci, Evelyne, de nous le faire savoir.
Effectivement, la définition du mot « charité » tel que nous le concevons n’était pas compatible avec la vie dans ces hospices !
Merci Dominique !
Saisissant ! Avoir de tels ancêtres nous ramènent à une dure réalité !
Je dois dire que mes ancêtres maternels ont été, pour certains, très éprouvés par la vie !
Merci Hervé !
Bonsoir,
Les archives relatives aux enfants abandonnés sont les plus dures à lire.
Merci pour cette évocation.
Merci Philippe !
Jolie évocation, plutôt émouvante.
Merci Jean-Michel !
Il est toujours émouvant de découvrir les endroits où nos ancêtres ont grandi. Et cet hospice donne froid dans le dos…