En mars, nous retroussons nos manches et nous parlons « métier » !
Le généathème met à l’honneur un métier trouvé chez mes ancêtres normands et également chez les ancêtres auvergnats.
Un métier dont le produit fini est raffiné et délicat, un métier exigeant dextérité et application, mais un métier rapportant un salaire de misère, un métier que nos aïeules pratiquaient une quinzaine d’heures par jour, cela dès l’âge de six ans et jusqu’à la fin de leur vie.
Ce métier est celui de dentellière.
La dentelle fait son apparition à Venise à la fin du XVe siècle. D’abord assimilé à la passementerie, le terme « dentelle » apparaît en France au XVIe siècle.
On distingue deux sortes de fabrication : la dentelle à l’aiguille et la dentelle aux fuseaux, moins noble que la première.
Au XVIIe siècle, la dentelle connaît un essor considérable. Les nobles s’entichent de ces tissus précieux : le volume de dentelle porté est proportionnel au nombre de titres de noblesse. Au point que Louis XIII en réglemente l’usage par quatre édits dits lois somptuaires mais ceux-ci ne sont pas respectés.
Bien au contraire, l’engouement pour la dentelle est décuplé.
L’Église tient une place importante dans son développement : les couvents et les orphelinats emploient une main-d’œuvre bon marché. (voir article : L’hospice Saint-Louis)
Et sous Louis XIV, Colbert qui souhaite concurrencer la production étrangère, installe des manufactures royales à Alençon, Valenciennes et Aurillac.
En Haute-Loire, la dentelle apparaît dans la ville du Puy avant de se répandre dans les campagnes vellaves où chaque paysanne possède son carreau.
Les femmes font couvige : l’été, elles se rassemblent à l’ombre d’une grange et l’hiver, au coin de l’âtre pendant les veillées.
A la fin du XVIIe siècle, une profession d’intermédiaires se développe : les leveurs. Ils sillonnent les villages et collectent la production des denteleuses pour le compte des négociants. Ils fixent eux- mêmes le prix d’achat de la dentelle : beaucoup vont s’enrichir au détriment de ces laborieuses.
La dentelle est payée à la longueur mesurée sur une planchette en bois de 120cm appelée : l’aune.
La Révolution met un terme à la production et la dentelle a failli disparaître car elle est synonyme d’élégance aristocratique.
A partir de 1850, les manufactures se développent ; la dentelle se mécanise. Grâce à ces nouvelles technologies, la fabrication s’améliore considérablement ; c’est l’âge d’or de la dentelle.
Mais la mécanisation sonne le glas de la production manuelle.
Au début du XXe siècle, l’Assemblée Nationale vote une loi pour favoriser l’enseignement de la dentelle dans les écoles des départements où la fabrication est en usage ; principalement en Haute-Loire et dans le Calvados. Mais la Première Guerre mondiale a raison de cette initiative.
Malgré tout, quelques écoles subsistent encore à Alençon et au Puy où s’est créé en 1976 le Conservatoire National de la Dentelle du Puy.
Si aujourd’hui, la dentelle est un produit commun, difficile d’imaginer quelle a été la condition de vie des dentellières :
Des siècles durant, les femmes seules étaient extrêmement nombreuses : veuves, célibataires avec ou sans enfant. La fabrication de dentelle était leur seule ressource les obligeant à travailler 15 à 18 heures par jour pour un salaire dérisoire.
Le salaire journalier était de 30 centimes en 1820 et de 50 à 60 centimes en 1880.
A cela, s’ajoute la pénibilité du travail, le docteur F. Martel déclare en 1853 : « La vie pénible des dentellières les rendaient sujettes à trois maladies caractéristiques : la cécité due aux efforts des yeux et au manque de lumière, la déformation de la colonne vertébrale consécutive à la position penchée, les troubles des voies respiratoires dus aux sels de plomb dits blancs de plomb qui servaient à blanchir les dentelles et qu’elles respiraient toute la journée. »
Si la dentelle est synonyme de raffinement, la vie de ces femmes a été frustre !
Source : Histoire locale Haute-Loire : Dentelle et dentellières, quatre cents ans d’histoire
Raymond Vacheron
Histoire de la dentelle en Normandie : Wikipédia
Image : collection personnelle : dentelle aux fuseaux du Puy
Dans ton article tu parles de Femmes, j’ai lu il y a longtemps « la Dentellière d’Alençon » de Jeanine Montupet. J’avais été frappée de lire que pour les dentelles les plus fines, c’étaient des enfants d’environ 5 / 6 ans qui restaient des journées entières à fabriquer ces merveilles. L’explication était que les doigts fins des enfants permettaient de faire des points de dentelle d’une finesse extrême. Quand mes petites filles ont eu cet âge, j’ai repensé à l’enfer de ces enfants clouées à leurs chaises!!! et je leur ai raconté ces conditions de vie.
Coucou Yvette,
Effectivement les enfants étaient sollicités dès l’âge de cinq-six ans. Je l’ai écrit dans l’introduction de mon article…
Je t’embrasse, A ce soir…
Merci pour cet éclairage du métier de dentellière.Les difficiles conditions d’existence et de travail permettent de comprendre le contexte des enfants abandonnés ou des délais parfois très courts entre le décès d’un conjoint et le remariage du survivant.
Merci Philippe… Effectivement, les conditions de vie et de travail sont intimement liées !
Merci pour ce métier encore inconnu dans mon arbre. En effet, les conditions devaient être difficiles, car j’imagine que ces femmes devaient tout de même s’occuper des enfants, de la basse-cour…
Effectivement, la dentelle était considérée comme un revenu d’appoint !