Le #RDVAncestral est un projet d’écriture, ouvert à tous, qui mêle littérature, généalogie et rencontres improbables avec nos ancêtres.
Il y a longtemps que je ne suis pas partie à la rencontre de mes ancêtres… sans doute n’avaient ils pas grand chose à me raconter…
Mais aujourd’hui, le hasard et mes rêveries me propulsent en grande pompe dans une caserne, celle de la Compagnie de Gendarmerie Royale du Calvados basée à Caen.
J’arrive dans un salon d’honneur où des hommes de rang, des sous-officiers et des officiers patientent tout en devisant. A l’écart, se trouve également un groupe de hauts gradés. Je comprends qu’il s’agit des membres du conseil d’administration de la compagnie accompagnés d’un représentant de la Préfecture du Calvados et d’un inspecteur délégué de la Grande Chancellerie de la Légion d’Honneur.
Chacun se salue, puis on demande le silence.
Le chef du protocole annonce :
-Récipiendaire, gagnez votre emplacement !
Le récipiendaire se nomme François LEPELTIER. Il est né le 1er avril 1789 à Soliers, un bourg situé à quelques lieues de Caen.
Ses parents sont Jean-Baptiste LEPELTIER, couvreur, époux de Marie Françoise HOGUAIS.
Jean-Baptiste est le dernier des huit enfants de Thomas LEPELTIER, couvreur, marié à Jeanne DIEULAFAIT, mes Sosa 502 et 503.
François est un solide et grand gaillard portant fièrement l’uniforme et la moustache.
Le 25 avril 1808, âgé de 19 ans, il est enrôlé dans l’armée Napoléonienne. Il a rejoint le 12e régiment de chasseurs à cheval et a participé à plusieurs campagnes dont celles de Russie, d’Allemagne et de France avec leurs lots de victoires et de défaites.
Le 14 septembre 1815, il est nommé brigadier.
Puis, le 15 juillet 1817, il devient gendarme à pied.
Invisible aux yeux de tous, je saisis mon portable et fais une rapide recherche sur Google pour comprendre comment on devient gendarme au 19e siècle :
L’article 43 de la loi du 28 germinal an VI fixe, à quelques détails près, les critères de recrutement qui restent en vigueur jusqu’à la Première guerre mondiale :
Le métier de gendarme au 19e siècle – Arnaud Dominique HOUTE
« Les qualités d’admission pour un gendarme seront, à l’avenir :
1. d’être âgé de vingt-cinq ans et au-dessus, jusqu’à quarante ;
2. de savoir lire et écrire correctement ;
3. d’avoir fait trois campagnes depuis la Révolution, dont une au moins dans la cavalerie, et, après la paix générale, d’avoir servi au moins quatre années, sans reproche, dans les troupes à cheval, ce dont il sera justifié par des congés en bonne forme ;
4. d’être porteur d’un certificat de bonnes mœurs, de bravoure, de soumission exacte à la discipline militaire et d’attachement à la République ;
5. d’être au moins de la taille de 1 mètre 73 centimètres. »
Ne devient pas gendarme qui veut, pensé je !
Cependant, François a failli à la tradition familiale en abandonnant le métier de couvreur, une profession pratiquée de pères en fils depuis trois générations.
Est-il devenu gendarme par vocation ou par un impérieux besoin d’assurer son avenir… lui seul connait la réponse.
Peu importe car sa bravoure, sa loyauté et son dévouement lui valent d’être récompensé avec la plus haute distinction française.
Il y a plusieurs mois, sa hiérarchie lui a signifié que sa candidature avait été retenue par la Grande Chancellerie mais, entre la chute de l’Empire et la Restauration (nous sommes sous Louis XVIII), la réponse s’est faite attendre.
Enfin, le 27 janvier 1815, il a reçu ceci :
Ce 1er aout 1817, il devient « légionnaire » en recevant la distinction de Chevalier de la Légion d’Honneur lors de cette cérémonie.
Imperturbable, François se tient droit pendant que son commandant fait son éloge, puis finit son discours par :
– « Au nom de Sa Majesté et en vertu des pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons Chevalier dans l’ordre royal de la légion d’honneur. »
L’insigne accroché sur sa poitrine, François remercie son supérieur et le salue.
La cérémonie achevée, François signe, ainsi que les membres du conseil d’administration, plusieurs documents dont une formule de serment ainsi qu’un procès-verbal faisant foi de son inscription de membre de l’ordre royal de la légion d’honneur sur les nouveaux registres nationaux et listes officielles.
« Je jure d’être fidèle au Roi, à l’honneur et à la Patrie, de révéler à l’instant tout ce qui pourrait venir à ma connaissance, et qui serait contraire au service de Sa Majesté et au bien de l’État ; de ne prendre aucun service et de ne recevoir aucune pension, ni traitement d’un Prince étranger, sans le consentement exprès de Sa Majesté ; d’observer les Lois, ordonnances et règlements, et généralement faire tout ce qui est du devoir d’un brave et loyal Chevalier de la Légion d’honneur. »
(Le serment de fidélité, adapté au régime en vigueur, fut exigé des légionnaires jusqu’en 1870. Il fit un bref retour de 1941 à 1944, sous le Régime de Vichy.)
Puis les documents sont remis au délégué de la Grande Chancellerie pour faire valoir ce que de droit.
François recevra un brevet qui atteste de sa qualité de membre royal de la légion d’honneur. Ce dernier est signé le 18 mars 1819, soit quatre ans après sa nomination.
Côté vie privée, François épouse Virginie VASNIER de 11 ans, sa cadette, le 30 mai 1821.
Et après une vie de gendarme bien remplie, il s’éteint à 54 ans, le 27 octobre 1843 à Lingèvres (14).
Je quitte discrètement le salon… Mon vagabondage achevé, je suis assise devant mon ordinateur connecté sur la base Léonore devant le dossier de François.
Mon imagination débordante a encore œuvré…
Créée en 1802, la Légion d’honneur a tenu le cap à travers tous les tourbillons de l’histoire parce qu’elle est universelle et symbolise la reconnaissance de la nation envers les meilleurs éléments de ses forces vives dans tous les domaines et pour tous les mérites, tous les talents, tous les dévouements, et aussi parce qu’elle a su s’adapter sans jamais se dénaturer, en gardant, sous les fastes nécessaires à son éclat, son caractère profondément démocratique qui en a fait un modèle pour nombre de distinctions étrangères. J.C. Guegand
Sources :
Base Léonore : https://www.leonore.archives-nationales.culture.gouv.fr/ui/notice/230455#show
Grande chancellerie de la légion d’honneur : https://www.legiondhonneur.fr/fr
Image : MEDAILLE DE CHEVALIER DE L’ORDRE DE LA LEGION D’HONNEUR RESTAURATION LOUIS XVIII ROI DE FRANCE 1814 : https://www.militaria-medailles.fr/
Page Facebook : 12 chasseur à cheval -Aquarelle de Maître Lucien Rousselot.
Le métier de gendarme au 19e siècle – Arnaud-Dominique Houte – https://books.openedition.org/pur/107873?lang=fr
Histoire de la légion d’honneur : https://jean-claude-guegand.pagesperso-orange.fr/l_his.html
Une belle cérémonie qui laisse des traces chez les descendants. Avez-vous conservé la médaille ?
J’ignore si la médaille a résisté au temps
Une belle carrière récompensée
On s’y croirait
Merci pour ce partage et les références très utiles