Dans ma famille, Cuisiner était… une affaire sérieuse !
Après la Seconde Guerre Mondiale, mon père a été « maître d’hôtel » dans de grands restaurants.
Ma mère était cuisinière chez des particuliers nantis.
Mon oncle était cuisinier de métier…
Donc, à la maison, on ne plaisantait pas avec la préparation des repas… Chacun avait son poste et pas question de tergiverser…
Dans la cuisine, la discipline régnait et l’ambiance contrastait avec la légèreté qui flottait dans la salle à manger.
Les repas du dimanche étaient une tradition… Et je garde le souvenir de grandes tablées où tous les convives parlaient en même temps, riaient et chantaient au dessert…
Aussi, lorsque j’ai découvert, parmi mes ancêtres, un cuisinier au XVIIIe siècle… Je me suis demandée si la génétique n’avait pas distillé dans nos veines un gène culinaire 😉
Jean-François Féry œuvrait dans les cuisines du château de Monsieur le Baron d’Eppes, dans l’Aisne.
D’après mes recherches, il s’agirait de Hyacinthe David Rosalie de Proisy, Seigneur de Proisy et d’Eppes, Capitaine de l’Armée de Picardie.
Sous l’Ancien Régime, le cuisinier faisait partie des « gens de maison ».
Dans la cuisine, les rôles étaient hiérarchisés :
Venait d’abord le « queux » (du latin coquus signifiant cuisinier)… il était le chef, puis les cuisiniers qui l’assistaient.
En l’absence de queux, le cuisinier commandait mais avec le prestige en moins.
Puis venaient les marmitons, les commis (apprentis cuisiniers) et les garçons et filles de cuisine (petites mains sans qualification)
La discipline était militaire, d’ailleurs on retrouve beaucoup de termes liés à l’armée : brigades de cuisine, officiers de bouche, offices, écuyers de cuisine…
Le maître de maison était attentif au choix de son cuisinier car sa réputation en dépendait ! Le nom du cuisinier était souvent associé à celui de son maître !
*Voici d’ailleurs ce que disait, Grimaud de la Reynière, un des plus fin gourmet du XVIIIe siècle :
Pour avoir un bon cuisinier, il faut qu’il ait le goût bon ; or, vous ne devez point le laisser s’émousser au contact de certains breuvages ; « le goût finit par s’excorier et par devenir aussi insensible que la conscience d’un vieux juge ».
Il indique alors tout un traitement à suivre : on purge le cuisinier, on le dorlote, on le soigne, « pour faire une chère toujours égale » et ne pas s’exposer aux variations et aux caprices d’un goût dépravé et dévoyé.
J’ignore si Jean-François a subi pareil sort.
Il est décédé le 21 décembre 1778 au château (peut-être derrière ses fourneaux) à l’âge de 58 ans comme l’atteste son acte de décès :
*La France pittoresque – Vieux métiers, métier ancien : les cuisiniers
Image : Le cuisinier et sa femme – A. Dürer – Gallica – BNF
J’imagine sans peine l’organisation militaire que cela peut-être. Dans le même esprit, goûter un vin est une affaire sérieuse ;-).
Eh oui, cuisiner est une affaire sérieuse. Il ferait beau voir d’empoisonner les gens…
Que pourrait-il y avoir de plus sérieux que de (bien) nourrir les autres ?
Merci pour ce billet qui montre que ce métier est aussi un des plus anciens qui soient.