Le #RDVAncestral est un projet d’écriture, ouvert à tous, qui mêle littérature, généalogie et rencontres improbables avec nos ancêtres.
Nous sommes en septembre 1811 et j’ai rendez-vous avec mon Sosa 19, Ursule Adélaïde BRASSELET en Picardie.
Je l’aperçois alors qu’elle quitte la maison de ses parents, Jean-Baptiste, scieur de long et Geneviève LAMBERT à Brayes-en-Laonnois, un petit village axonais.
C’est une fillette âgée de 7 ans, aînée d’une fratrie de trois enfants. Geneviève, leur mère, est décédée, il y a un peu plus d’un mois, le 16 août.
Ursule Adélaïde a beaucoup pleuré mais, on lui a dit qu’elle avait atteint l’âge de raison… Donc, à présent, elle doit sécher ses larmes et elle doit travailler.
Ursule Adélaïde, descendante de vignerons et de tonneliers, est placée comme domestique.
– Bonjour… me permets-tu de t’accompagner un moment, lui dis-je doucement.
Elle me regarde et je lis dans ses yeux tant de tristesse que les miens se remplissent de larmes. Je fais un gros effort pour les retenir.
Elle est encore si petite, si frêle…
Nous marchons côte à côte, silencieuses, sous un soleil de plomb.
Nous traversons les coteaux recouverts de vignes où les raisins gorgés sont pleins de promesse.
Je fouille dans mon sac et sors des petits gâteaux.
– C’est moi qui les ai confectionnés ! dis-je en souriant
En, veux-tu ?
Ursule Adélaïde accepte mon cadeau et mange en m’observant… Peu à peu, elle semble moins réservée.
– Comment t’appelles-tu, dit-elle en croquant un biscuit ?
– Je m’appelle Evelyne… Je viens de loin, de très loin… Nous sommes parentes…
Je sais que tu as du chagrin et que ta maman te manque énormément… J’aimerai tant t’aider et te voir sourire.
Nous marchons longtemps en faisant connaissance et nous arrivons, à la nuit tombée, devant la maison des maîtres d’Ursule Adélaïde.
Au-dessus de nos têtes, Vénus, l’étoile du berger scintille et des milliers d’autres étoiles brillent peu à peu… Tout à coup, une comète traverse la voûte céleste traînant, derrière elle, sa longue chevelure lumineuse.
Ursule Adélaïde glisse sa main dans la mienne et la serre.
– N’aie pas peur ! Tu ne crains rien ! Regarde, c’est magnifique, lui dis-je, éblouie.
C’est une grande chance de voir un si beau spectacle !
Autour de nous, les adultes sont moins enthousiastes. Superstitieux, ils voient dans cette bizarrerie un mauvais présage annonciateur de calamités… sans doute la fin du monde !
Je les rassure :
– Non, ce n’est pas la fin du monde… Il s’agit simplement d’un phénomène astronomique !
En mon for intérieur, je pense :
-Sinon, je ne serai pas là à écrire ce texte…
Je regarde Ursule Adélaïde tendrement. Notre rencontre s’achève tandis que la comète disparait dans la nuit. En guise d’adieu, je lui confie un secret:
– Quand tu auras de la peine, regarde un ciel étoilé ! Chaque étoile est l’âme d’une personne que nous avons aimée. Ta maman est parmi ces étoiles et veille sur toi !
Courageuse et rassurée, Ursule Adélaïde me sourit, m’embrasse et s’éloigne.
Je la regarde entrer dans sa nouvelle maison tout en songeant à sa vie future.
Jean-Baptiste, son père, se remariera et aura trois autres enfants dont deux mourront en bas âge.
Le 27 octobre 1829, âgée de 24 ans, Ursule Adélaïde épousera Etienne André COULON, Sosa 18, un berger tisserand. Ils auront quatre enfants.
Jean-Baptiste décédera, deux ans plus tard, en 1831.
Ursule Adélaïde rejoindra les étoiles à 69 ans, le 27 octobre 1873, à Samoussy (02).
A leur tour, les vignes des coteaux laonnois disparaîtront avec la Première Guerre Mondiale.
En attendant, demain, les raisins seront récoltés, le vin coulera à flot… Ce sera un bon cru !
1811 restera dans les annales comme une année viticole exceptionnelle autant en quantité qu’en qualité en Europe.
La Grande comète de 1811 (C/1811 F1) est une comète qui fut découverte par Honoré Flaugergues, astronome amateur et juge de paix, à Viviers en Ardèche, le 25 mars 1811. Visible pendant 9 mois à l’œil nu, et 17 mois avec instruments, elle est restée associée à une année d’excellents vins en Europe.
Elle est aussi nommée la comète de Napoléon.
En Europe, les caractéristiques extrêmement spectaculaires de la comète ont profondément marqué les contemporains. Sa conjonction avec une vague de chaleur inédite a suscité des inquiétudes de fin du monde, dont on trouve des échos dans la littérature de l’époque, même beaucoup plus tard, et dans des ouvrages aussi inattendus que par exemple la Physiologie du goût de Brillat-Savarin, pourtant publiée seulement en 1825, soit 14 ans plus tard. Par la suite, Léon Tolstoï la décrit dans Guerre et Paix comme un présage de mauvais augure.
(Source : Wikipédia.fr)